‘’Santé – Bien Commun’’, un pari (im)possible dans la conduite de l’économie et des organisations ?

25 avril 2020 Par Anne-Marie de Vaivre et Jacques Bouvet

Fin août 2017, –  alors par temps calme, et bien avant tous les bouleversements et la pandémie que nous vivons -,  lors de la consultation organisée par le gouvernement français en préparation de la loi PACTE, loi en Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises, finalement promulguée le 22 mai 2019, le Cercle Entreprises et Santé, appuyé par l’IAS et son président le Pr Jean-Marie Peretti, proposait le principe de « Santé – Bien commun » comme une ligne directrice essentielle du pilotage des activités économiques sous toutes leurs formes, privées, publiques et associatives. Sans écho.

Trois ans après, dans une tourmente mondiale sanitaire accélérée, bientôt aussi économique et sociale, comment désormais intégrer pour le futur, et durablement, pour la configuration et le pilotage des organisations, le principe fondamental de préservation de la santé de tous, – santé collective, santé-travail, santé globale – ? Alors que l’OIT, l’Organisation Internationale du Travail l’annonce clairement sur son site,  avec mondialement quatre emplois sur cinq impactés par la pandémie de coronavirus, ‘’the world of work is being profoundly affected by the global virus pandemic. In addition to the threat to public health, the economic and social disruption threatens the long-term livelihoods and wellbeing of millions [billions ..]’’..

Comment, dans l’état de  surprise, émotion, et aussi de sidération qui est celui de nos institutions aujourd’hui face à la crise sanitaire et économique du Covid 19, peut-on intégrer durablement cette valeur forte de la Santé-Bien Commun dans nos organisations ?

Dans l’urgence, l’action essentielle s’est portée sur l’organisation des soins et le soutien des soignants, promouvant la sympathie-solidarité pour faire tenir bon au front des soignants, endiguer le débordement des hôpitaux, au prix même du sacrifice des personnes en EHPAD.  Confinements, masques, contrôles,  un arsenal de moyens divers a été mobilisé.

En même temps s’est engagé un immense effort de recherche : recherche sanitaire surtout et d’abord,  mais aussi recherche comportementale et organisationnelle.  Au-delà et à partir de ces deux mouvements, celui de l’urgence, et celui de l’intensification de la recherche, comment préparer l’avenir ?

Après les ébranlements du début de crise, avec l’accélération des bouleversements économiques et sociaux, le séisme se prolongera dans une évolution accélérée des modes de pensée et des modes de vie, évolution qui s’inscrit déjà profondément dans les pratiques et les programmes de santé et de luttes contre le coronavirus : trackings, accès aux dossiers personnels et données personnelles, suivi des proximités et des contagions, par exemple, avec le lourd dilemme :  protection prioritaire des données personnelles contre les accès tiers, ou bien facilité d’accès par les tiers. Sans abuser de positions extrêmes, un équilibre existe sans doute, une sorte de compromis éthique vers la Santé-Bien Commun, compromis adapté aux mœurs et donc par essence non universel.. La gravité et la mondialisation de la pandémie Covid19  vont mettre en lumière des incidences sur les « succès » contre la maladie liés aux choix de ces équilibres  ‘protection-accès’.

Il nous faudra dépasser l’actuelle – inévitable et difficilement vivable – injonction contradictoire dans laquelle nous sommes plongés et qui marque aujourd’hui de son ambiguïté l’attention aux conditions de travail  et de vie :‘’restez chez vous’’ et en même temps, ‘’poursuivez vos activités économiques’’…

L’accès à la Santé-Bien Commun  est un chemin à revisiter :  il va devoir surmonter, outre la crise sanitaire, l’intense impact économique qui a déjà provoqué ses premières victimes.¢

20 avril 2020
 Jacques Bouvet, administrateur de sociétés, Président du Cercle Entreprises et Santé
Anne-Marie de Vaivre, experte en prospective opérationnelle, TITANE ITCWS,
co-fondatrice du Cercle Entreprises et Santé

Santé – Bien commun

Article dans le n°28 de
Question(s) de Management 
(editions EMS)