Post-crise  et renouvellement des organisations

Renouvellement des organisations :
demain, le rôle crucial de la fonction commerciale

24 avril 2020 par Anne-Marie de Vaivre et Jean-Loup Schaal

Tsunami’, ‘rien ne sera plus comme avant’, ‘on ne reviendra pas au ‘normal’, ‘quatre emplois sur cinq vont être mondialement impactés’ (récent rapport de l’OIT) : le consensus est général, et mondial, pour décrire et annoncer un bouleversement total des organisations à la suite de la crise sanitaire, en train de se doubler et de s’amplifier d’une crise économique majeure, destructrice de richesses et d’emplois. La crise venant frapper business models, modes de rentabilité, conditions de survie et de rétablissement pour les entreprises, – et donc mettant en jeu tous types d’emplois, y compris à terme l’emploi public.

Si la pertinence, la force et aussi le contrôle de l’intervention et de l’appui publics apportés par les gouvernements vont être cruciaux pour permettre un redémarrage économique, l’une des fonctions des entreprises va devoir faire l’objet de préparation, d’entrainement et de  redynamisation bien pensés de la part des directions : la fonction commerciale.

C’est cette fonction  commerciale qui va conditionner le retour du chiffre d’affaires, car comme dit le bon sens populaire, à quoi sert de fabriquer des voitures ou des équipements s’ils ne sont pas achetés par les clients – et donc s’il ne sont pas promus et vendus par une force commerciale et marketing efficace, alors même que simultanément, ce seront les conditions mêmes de fonctionnement des marchés qui auront changé : moindre pouvoir d’achat, changements drastiques des attentes et des critères des clients potentiels, concurrence encore plus féroce, aiguisée par l’impératif de vendre pour survivre.

Certes, ce seront toutes les fonctions et tous les fonctionnements des entreprises qui vont être à repenser et remettre en action, avec les pressions de tous bords et les reconfigurations plus ou moins profondes de marchés, marchés de consommateurs comme marchés industriels – les tendances de fond déjà en cours ces deux dernières décennies  venant aussi restructurer le tout.

Les marchés tels qu’ils se présenteront permettront-ils de conserver l’activité et les postes et emplois antérieurs ?  La fonction commerciale sera essentielle pour le dire et pour reconstruire durablement l’activité des entreprises.

« Rien ne sera plus comme avant » prédisent de nombreux experts. Mais les avis divergent dès que l’on évoque les futures pratiques des acheteurs : pour les consommateurs, certains imaginent qu’une certaine euphorie va accompagner le déconfinement et que la consommation va connaître une envolée, conséquence des privations : magasins, restaurants, bars, spectacles …  D’autres  à l’inverse envisagent une forme de repli de la consommation, ‘vers la sagesse’, les réflexes acquis d’autarcie et de repli perdurant, dans un repli mû aussi par une baisse des possibilités financières pour nombre d’entre les consommateurs … A un autre niveau, il en sera de même pour les acteurs et secteurs professionnels.

Quelles seront les conséquences pour les commerciaux ?

Confinés pendant deux mois, pour la majorité d’entre eux, souvent sans activité, sans lien avec des marchés et des acheteurs qui auront eux-mêmes changé, pris d’autres habitudes personnelles et professionnelles, ils vont devoir reprendre la route ou leur poste sédentaire. Et ils vont devoir s’adapter à une demande devenue différente, et à des changements profonds de comportements et de pratiques, d’attentes et de craintes relationnelles.

Il va falloir les aider, les armer, les protéger, et en même les dynamiser,  car ils vont désormais être au premier front  avec les questions,  et aussi les angoisses  de leurs anciens et de leurs nouveaux clients,  et avec toutes les incertitudes de marché.

Oui, les risques psychosociaux des commerciaux sont  et vont etre une réalité, et une réalité aux contours et moteurs nouveaux  dans cet univers aux nouveaux critères flous d’incertitudes, et oui, il va falloir les aider à « faire avec », à surmonter leurs propres peurs et leurs propres anxiétés pour précisément apporter à leurs clients le calme, l’esprit positif et l’ouverture à l’avenir qui sont nécessaires aux transactions commerciales.

Dans le secteur BtoB, – avec des disparités considérables selon les secteurs et les marchés, entre l’achat de matières premières ou de consommables et l’achat d’équipements nouveaux -, une majorité d’entreprises aura essuyé des pertes considérables,  devra revoir les budgets et réduire les frais de façon drastique. Ce qui aura un impact fort sur les stratégies  et les comportements d’achat.

Les équipes commerciales auront alors à faire face à de plus en plus d’exigences de la  part des acheteurs : pressions bien sûr sur les prix, concurrence féroce aidant / nombre d’équipementiers français sont dès maintenant soumis à une pression concurrentielle très forte de fabricants de Chine qui cassent les prix pour reprendre des marchés/,  mais aussi pressions d’autres critères : pression du ‘on-line’ – tout ce qui peut se faire en ligne ne se fera plus autrement, pour les acheteurs professionnels, comme pour les consommateurs ; temps de réponse attendus plus courts encore – ce qui impliquera de revoir profondément et d’accélérer le cycle commercial de vente ‘ancien’, entre commerciaux itinérants et sédentaires ; demandes d’interactivité et de réactivité/adaptation toujours plus importantes, sans compter aussi la reconfiguration des offres et les garanties à apporter, et d’un relationnel autre avec les acheteurs.

En temps de crise, et après une crise, les tentations des décideurs peuvent être de relancer leurs troupes commerciales ‘comme avant’, dans les logiques anciennes, avec les états d’esprit anciens, et sans prendre en compte les nouveaux risques et les nouvelles vulnérabilités : avec de facto une prise de risque maximale.

Alors que pour faire face à ces défis, c’est plutôt une stratégie nouvelle, combative et humaine, pensée à l’aune des nouveaux défis, avec une redynamisation spécifique forte des équipes commerciales qui devrait s’imposer, dans chacune des étapes  nécessaires de reconstruction après  bouleversement :

  • faire face au défi, et apporter les premières mesures et solutions nécessaires, avec une détermination positive- 
  • préparer et construire la résilience, reconstruire et renforcer, par la formation et le soutien, les ressources, les compétences et les capacités dynamiques des équipes,
  • et refondre/réformer,  réimaginer  et remettre en action les fonctionnements et les dynamiques désormais adaptés, ce phasage s’appliquant aussi au commercial et au relationnel client.

Ces phases-là se développeront aussi avec les équipes commerciales.

Pratiquement, demain, les responsables d’entreprise vont être confrontés à un choix  immédiat, porteur ou non d’avenir pour la lourde tâche des commerciaux  dans le redémarrage de nos activités économiques :

  • Soit savoir réunir les vendeurs pour les aider à comprendre les évolutions probables et possibles de leur marché et intégrer les bons réflexes à adopter pour recréer un climat de motivation autour d’objectifs actualisés et réalistes. Même en digital, cela représentera des charges C’est pourtant un impératif à l’issue d’une longue période d’inactivité et d’anxiété.
  • Soit faire l’impasse pour des raisons budgétaires et prendre le risque d’un lent et difficile retour à un niveau acceptable d’activité en passant à côté des évolutions dans les habitudes d’achats..

Après une longue période d’inactivité dans la majorité des secteurs, demain les gagnants seront ceux qui auront mis en place le plus rapidement possible des stratégies combatives et adaptées, et permettant de comprendre et de dépasser les nouvelles fragilités .

24 avril 2020

  • Jean-Loup Schaal, associé fondateur de TITANE ITC WS, expert en stratégie commerciale
  • Anne-Marie de Vaivre, experte en prospective opérationnelle, TITANE ITCWS,
    co-fondatrice du Cercle Entreprises et Santé


Article dans le n°28 de
Question(s) de Management 
(editions EMS)